mercredi 24 septembre 2008

DES ATTENTATS COMMIS CONTRE LA POESIE (SUITE...)

IV

Je refuse les idées reçues, j'appelle à mon secours la Poésie, les richesses de mon imaginaire, les folies de ma cervelle surentraînée aux délires: cette folle magnifique sait inventer des pluies artificielles, des chaleurs d'ouragans, des songes pour enfants, des salubres cités aux portes de cristal et des neiges épaisses, douces et tièdes comme des tapis. j'aime les débauches de l'imaginaire tendu, du cerveau dont la masse blanche enchassée telle une relique dans son crâne épais ne palpite plus lentement mais bat passionnément, étrange chair qui se déploie, frémit, bouge. Tout ce qui pousse l'être vers ses rêves futiles et indispensables, tout ce qui le rêveur, je m'en émerveille et le bénis.
Et je crie en faveur de la Poésie un cri d'une violence que je suis seule à percevoir: car un cri intérieur peut-il jamais atteindre à cette intensité qui fait vibrer les portes du réel? Qu'il retentisse donc même si je le sais forçément plus faible à vos oreilles qu'il ne l'est aux miennes...

Ayant beaucoup aimé, j'ai un peu vécu; ainsi je n'ignore pas combien l'amour, ce miroir de nos univers, est source fabuleuse de rêves. Je porte la violence au creux de mon ventre, cette grave violence de l'amour qui n'admet ni tendresse ni compromis; je détiens le regard cru de l'amour, regard cru et sans complaisance, barbare, regard qui n'est accessible qu'à ceux que l'amour possède ou a déjà possédé. Que voit ce regard? Quels mondes poétiques connait-il que le monde absurdement dit "réel" ignore? Quel cheminement prendre afin d'exprimer la Poésie contenue dans un coeur rongé par l'amour? Comment hurler plus haut que la nue, plus fort que la brutalité, plus passionnément que l'amour lui-même son imaginaire merveilleusement glacé et vivant, sa fougue retenue, cette révolte superbe et sa densité enfin, qui telle la vie parfois, on ne sait pourquoi, se fait plus présente, plus fourmillante, que la multitude des signes et des chiffres, sans crier gare, peut-être simplement parce que le ciel est plus bas ce jour-là, les nuages plus gris que les huitres, la Marne plus douce ou le vert de ses rives plus tendre, la colline à l'horizon des buttes plus embrumée, semblable à un sfumato de peintre renaissant? Je ne puis que m'affirmer en faveur de ces moments-ci sans pouvoir les expliquer.
Ma seule certitude reste que la Poésie ne se reconnait au sein des complications de la vie que par les coeurs gonflés d'amour et prêts à toutes les révoltes qu'impose cet amour. Comme on se moque bien des conventions lorsqu'il s'agit de retrouver le cher ange qui nous afflige par son absence... Combien le monde social paraît alors restreint avec son étiquettes, ses règles érigées en vérité éternelle, ses folies codées! La fougue avec laquelle nous renversons ce fatras nous donne l'ampleur de notre amour. Une révolte est en marche dont nous sommes le créateur cependant que nous ne nous en rendons pas compte. Nous ignorons longtemps tout de cet amour soudain de la vie, de notre haine pour toute dictée, tout ordre, toute suggestion qui tendrait à entraver notre liberté d'aimer. Mais nous vivons. Et arrive l'instant où nous devenons conscients de notre volonté neuve de vivre.

Je crie en faveur de cette magnifique anarchie du coeur, du bonheur de vivre une poésie des sentiments dans une existence qui ne peut connaitre de plus haute élévation, l'être n'ayant pas encore imaginé de plus belle révolte que l'amour. Je hurle en faveur de cette Poésie du moindre instant qui doit s'immiscer dans nos nuits et nos jours telle une composante indispensable de l'air. Car je veux cette Poésie courant le coeur des gens du monde; je désire une Poésie qui n'effleure pas les coeurs mais les transpercent, les rendent non point languissants mais superbement actifs. Je souhaite un monde tout guidé par son amour pour la vie, la vie qui demeure l'invention la plus poétique qu'il m'ait jamais été donnée de rencontrer. Or celui qui n'a pas aimé d'amour ne peut réellement aimer la vie. Je me répète une dernière fois: je souhaite un langage universel des coeurs qui plonge jusqu'aux racines de l'Amour.
L'existence serait alors facile: un long poème à poursuivre...

Ecrit par Laure Gerbaud.

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